Pour tenter d’enrayer la tuberculose, cause de 100 000 décès par an en France au début du XXe siècle, un programme national de lutte contre le fléau avait été lancé. 250 sanatoriums sont construits, la plupart entre les deux guerres. L’isolement en pleine nature, le grand air et la lumière constituent la principale thérapie des malades. Érigé à partir des années 1930, le sanatorium de Bergesserin est une réalisation exemplaire : la rationalité de son plan et la fonctionnalité des espaces en font un témoin de l’architecture et des préconisations médicales de l’époque.
Établi dans une petite commune de la vallée de Cluny, à l’orée d’un bois qui aujourd’hui l’enserre complètement, le sanatorium bénéficie d’une altitude de 500 mètres dans un site remarquable. Il épouse la déclivité du terrain (le nombre de niveaux varie de 3 à 6). La tour de l’escalier principal, ouverte de larges baies, mène à un belvédère et ménage un panorama sur les monts du Beaujolais et du Mâconnais. L’architecte du site est Frédéric Bidaut. Le plan-masse et la distribution de l’établissement s’adaptent à la vie quotidienne des 210 patientes qu’il pouvait confortablement accueillir. L’édifice est organisé en trois groupes de bâtiments articulés autour d’un hall d’accueil.
L’administration, les services médicaux et les chambres des opérées sont concentrés à proximité de l’entrée principale. A l’arrière, derrière une façade longue de 250 mètres, se développent les galeries de cure et les chambres ouvertes sur la vallée. Les dortoirs étaient occupés par trois tuberculeux, selon les prescriptions alors en vigueur. La direction et le personnel logent dans des maisons individuelles et des petits collectifs disséminés dans les bois. Réalisé en béton, le bâtiment étire une façade monumentale rythmée par les baies, les garde-corps et les jardinières. Des détails au traitement Art déco (ferronneries, marquise plastique de l’entrée) ponctuent cette architecture dépouillée érigée en deux temps: la guerre ayant stoppé les travaux et nui au bon entretien de l’édifice, l’établissement a dû être rénové et achevé en 1946.
L’évolution des traitements précipite la désuétude de ce type d’établissement dès les années 1960 ; se pose alors la question du devenir de ces constructions. Utilisé comme maison de convalescence, l’ancien sanatorium de Bergesserin est un des derniers exemples lisibles en Bourgogne : en Côte d’Or, la destruction quasi-totale de celui de Velars-sur-Ouche, édifié dans les années 1950 par l’architecte Barade, et la transformation de celui de Dijon en résidence, privent la région d’une typologie importante dans l’histoire de l’architecture et dans l’évolution des programmes hospitaliers.
Actuellement à l’abandon, l’ancien sanatorium de Bergesserin devient un problème préoccupant en matière de sécurité, du fait des dégradations qu’il a subies et des activités sauvages et occupations illégales qu’il génère. La mairie de Bergesserin a alerté à plusieurs reprises le CH de Mâcon et la Préfecture. Le CH de Mâcon a muré les ouvertures des niveaux inférieurs du bâtiment, mais cela n’a pas empêché les occupations illégales de se poursuivre…